Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

De la psychomotricité vers l'écologie personnelle...

De la psychomotricité vers l'écologie personnelle...

Psychomotricienne de formation, la psychologie,la sophrologie,le travail corporel,la spiritualité rencontrés sur mon chemin et cet espace du blog pour partager des informations glanées sur la toile...


A l'aube du moi

Publié par 轻 sur 13 Juin 2010, 09:19am

Catégories : #Parents

À l’aube du moi
Par Suzanne Robert-Ouvray

 

La constitution de l’ego chez le petit enfant est une phase cruciale de la construction du moi... et du soi. À la fois psychologue et kinésithérapeute - d’où son métier de psychomotricienne -, Suzanne Robert-Ouvray a une vision dialectique de ce qui relie notre “moi basique”, quasi animal, à notre “soi”, spécifiquement humain. Le moi exprime nos besoins, le soi apparaît si ces besoins prennent un sens - même, et peut-être surtout, quand ceux-ci ne sont pas satisfaits et débouchent sur une frustration.


(JPG) On nous a beaucoup appris que l’on ne pouvait se constituer qu’à partir de la frustration. C’est toute l’hégémonie psychanalytique : le dur fait soit-disant du bien. C’est aussi notre héritage judéo-chrétien. En réalité, pour qu’il y ait intégration pychique, je pense qu’il faut deux pôles : le dur, la frustration, et le doux, la satisfaction. C’est dans une dialectique des deux que quelque chose d’intermédiaire va se créer et que va émerger un Soi.

Qu’est-ce que le “moi”, qu’est-ce que le “soi” ? Au sens le plus simple, on pourrait dire que le moi est d’abord une donnée physiologique, un mélange entre une structure corporelle, qui est notre héritage génétique, et un tissu relationnel. Le “moi de base” s’installe là-dessus. L’essentiel, dans la construction de celui-ci, c’est que, quand un bébé présente une tension corporelle, celle-ci doit absolument prendre un sens dans la relation. Par exemple, un bébé pleure, il est dans une certaine tension corporelle, on pourrait dire que son “moi de base” se tend. Mais pour que cette tension serve et qu’une intégration de l’expérience ait lieu, il faut que le parent vienne et donne un sens à ce que vit l’enfant. Si le parent est suffisamment empathique et ajusté, il va reconnaître ce qui se passe - la mère va dire, par exemple : “Oh, tu es en colère, dis-donc !”, ce faisant elle incarnera ce que vit le bébé, lui donnera un sens, confirmera ce qu’il ressent, et alors sa tension prendra elle-même un sens et son Soi se construira. Par contre, si la mère est à côté de la plaque, comme beaucoup de mères de schyzophrènes, si elle dit par exemple : “Oh, mais comme il est content de voir sa maman, ce bébé !”, alors que celui-ci est dans une toute autre disposition, elle va donner un sens qui ne peut pas venir confirmer ce que ressent son enfant. À ce moment-là, du moins si l’erreur se répète et donc si elle est pathologique, l’enfant, pour se sortir de là et ne pas mourir, sera obligé de se couper en deux (de se schyzer) : d’un côté un “ moi de base ” très rétréci, très organique, très éloigné, très "satellisé” diraient certains psy, et de l’autre côté un “moi d’adaptatio ” qui va se mettre en place, un peu comme le “ faux self ” de Winnicott : un soi artificiel. Bref, l’enfant, coupé en deux, ne s’atteindra jamais vraiment lui-même.

Bien sûr, entre le schizophrène complet, que l’on retrouve à l’hôpital, délirant - c’est-à-dire obligé, pour parler de son vrai soi, d’utiliser un langage que personne ne comprend : son délire -, et à l’autre bout, l’enfant protégé, compris de ses parents et développant une belle personnalité, vous avez des milliers de formes psychiques plus ou moins coupées La tendresse permet à l’enfant d’accepter sa frustration d’elles-mêmes.

Donc, dans ce contexte, qu’est-ce que le “soi” ? C’est le moi physiologique, avec son héritage génétique, augmenté du sens que l’entourage permet de donner aux tensions de ce “moi de base”. C’est pourquoi le “soi” continue à grandir en permanence tout au long de la vie. À mesure que l’on fait de nouvelles rencontres, on agrandit son soi... Alors que le moi, dans ce modèle, le “moi de base” de l’être humain, est quasiment le même pour tous - raison pour laquelle nous parvenons à communiquer, à échanger : nous sommes tous fabriqués de la même façon, avec nos besoins de base, nos pulsions, notre organisation motrice, tonique et physiologique.

Bien sûr, on ne naît pas non plus avec exactement le même bagage ; par exemple, un bébé peut avoir un système sensoriel trop à vif : personne ne va pouvoir le consoler, et on peut aboutir à des cas d’autisme.

Un tel enfant ne peut pas se constituer de “soi”. Mais on ne peut pas dire qu’un enfant autiste n’ait pas de “moi”. Il a un moi, très personnel. Quant à la subtilité étonnante des autistes, elle s’explique à mon avis par le fait que notre corps est organisé de telle façon que nous possèdons tout à l’intérieur de nous. Nous sommes organisés de façon à comprendre le monde intégralement. Malheureusement, notre façon de vivre avec nos parents ne nous permet pas d’incarner tout ce potentiel...

Revenons donc à l’attitude du parent aidant au mieux la constitution du moi de son enfant. Le bébé vit dans une permanente succession de tensions et de détentes. Ce qui induit une véritable dialectique. Élever un enfant uniquement dans la frustration, par exemple décider qu’il va boire toutes les trois heures, qu’il n’a pas le droit d’ouvrir la bouche si on ne lui pose pas de question, qu’il ne doit toucher à rien, etc., va l’amener à réagir corporellement et psychiquement en “retrait” face à l’interdit, et à emmagasiner en lui beaucoup de violence : il va se construire “en défense”, et cela va donner, en gros, un petit paranoïaque. Alors que si on lui permet régulièrement de sortir d’une épreuve douloureuse pour passer à une phase de détente - et là, la tendresse est cruciale -, autrement dit si on aide régulièrement cet enfant, qui est en colère, ou qui a faim, ou qui a eu peur, etc., à baisser sa tension corporelle et psychique, on va complétement modifier ce que j’appelle son “étayage psychique” : expérimentez-le sur vous-même, en détente, vous n’avez plus les mêmes sensations, les mêmes affects, les mêmes images à l’intérieur de vous. Tout change. L’intégration psychique de la réalité du monde dépend donc au départ d’un mouvement de va-et-vient régulier entre le dur et le mou, pour aller petit à petit vers une atténuation du contraste, de façon à ce que l’enfant prenne cette dialectique à son compte pour édifier sa personnalité. Et là, seule la tendresse va permettre à l’enfant de pouvoir accepter la frustration comme faisant partie de la réalité.

Si un enfant ne veut pas aller se coucher, la plupart du temps les parents finissent pas se fâcher, l’enfant pleure, s’épuise et finit par s’écrouler.

Si l’un des parents peut lui dire tendrement et fermement : “Là vraiment je ne reviendrai plus, parce que [par exemple] j’ai besoin d’être seul(e) avec ton père (ou ta mère)” ; ça n’empêchera pas l’enfant de vivre la frustration - que la tendresse n’aura pas effacée -, mais il sera capable de la tolérer et de l’accepter. La plupart des parents, auourd’hui, voudraient épargner toute souffrance à leur enfant. C’est impossible. Dans la vie, on rencontre des limites en permanence, et il faut justement savoir faire avec. Si on amène l’enfant à tolérer sa frustration, il va pouvoir en faire quelque chose. Si on essaye de l’épargner en tout, il va devenir mégalo et penser qu’il n’existe pas de limite dans la vie. Mais si, à l’inverse, on lui dit durement : “C’est comme ça, ne discute pas, ça va te former, tu vas devenir costaud !”, il va se construire en opposition à la vie et refusera lui aussi la vie telle qu’elle est - ça ne l’intéressera pas, ou il voudra être le plus fort et adoptera des conduites à risque, pour montrer qu’il peut. Pour en revenir à la bipolarité, toute la vie est ainsi. Le passage de l’un à l’autre fait émerger de la matière intermédiaire... en l’occurrence une personne, un soi. Il y a autant de “soi” différents qu’il y a de personnes au monde.

Mais en même temps, si les enfants sont élevés dans le respect et dans une certaine tendresse, leurs “soi” pourront se rencontrer - même s’ils sont individuels et singuliers -, puisque les valeurs de leur construction auront été les mêmes.

Nous sommes à la croisés des chemins. D’un côté, énormément de parents battent encore leurs enfants. De l’autre, depuis quelques décennies, apparaît une autre forme de violence parentale : le laxisme et la démission des parents devant la difficulté d’élever leurs enfants, qu’ils laissent libres de s’accaparer leur vie, sans guide : c’est de l’abandon (dire à un enfant : “Tu gardes ton petit frère et s’il fait une bêtise, gare à toi !", c’est aussi l’abandonner).

La violence peut se définir à partir de la notion de “besoins fondamentaux” : s’ils ne sont pas suffisamment satisfaits, se crée une violence intérieure parce que la frustration est trop lourde. Laisser un enfant sans structure, sans orientation, sans limite, c’est créer une violence à l’intérieur de lui, puisqu’il a besoin d’être sécurisé, protégé. Cette violence-là se manifeste comme une implosion silencieuse. Alors que la rage du parent qui bat se manifeste par explosion bruyante. Sur les victimes, l’effet est inverse : les enfants battus sont très inhibés, coincés, rétrécis, alors que les enfants qui cassent tout sont généralement “abandonnés”. Aujourd’hui, la plupart des enseignants se plaignent de ce que les enfants cassent tout, ne connaissent pas de limite, ne distinguent plus le bien du mal, etc. Eh bien, ce sont des enfants symboliquement abandonnés.

“Absence de la loi ou absence du père ?” me demande-t-on. Il ne faut pas confondre qui fait la loi et qui représente la loi. Faire la loi, ça peut être la mère, la grand-mère, la nourrice, n’importe qui.

Représenter la loi, on disait traditionnellement qu’il valait mieux que ce soit le père. Mais ce vieux schéma est en train de changer. Les mères représentent peu à peu autant la société, le monde du dehors, que les pères. Physiquement, il est vrai que le père est plus fort, plus tonique, plus grand que la mère. Mais nous avons désormais l’apparition d’un nouveau genre : le papa-poule, ou le papa-copain.

Là, je serai prudente avant de critiquer... Il est certes difficile de généraliser, mais dans l’ensemble, il me semble que les hommes en ont marre d’être des garde-chiourmes. Ils ne veulent plus être celui qui frappe, celui qui incarne lourdement la loi. Les hommes se rendent compte qu’ils ont longtemps eu, finalement, une image très dévalorisée de gros beaufs débarquant avec leurs grosses godasses.

Les hommes ne veulent plus de ça. Du coup, on passe à un autre pôle : le papa-copain. Alors que la femme-pondeuse est devenue une business-woman qui rentre tard le soir... Ça ne va pas non plus. Il faut trouver une nouvelle façon d’être au monde. L’être humain sera perpétuellement en quête. Nous sommes actuellement en pleine ère de création !

Et l’enfant qui émergera de là y gagnera certainement en subtilité, en nuance. Mais ça prendra du temps !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents